Intéressant
Le Pr Raoult est beaucoup plus mesuré dans ses propos qu'il y a 1 ou 2 mois sic "fin de partie" ou "les trottinettes"
Que s'est-il passé ? Pourquoi ?
Globalement, il est optimiste et considère que le COVID19 ne passera pas le cap de l'été
Espérons qu'il ait raison
En effet Raoult s’avance un peu parfois ….
Actuellement les gens de Netflix doivent se demander si le bon cheval c’est Carlos Ghosn ou Didier Raoult pour leur prochaine série ....
Plus sérieusement, quand j’essaie de faire une synthèse de tout ce qui est raconté sur le sujet (en faisant abstraction autant que possible des politiques et journalistes à mousse et à scandale …) on dirait que finalement le monde médical se partage grossièrement en deux parties qui revendiquent toutes les deux de se conformer au « serment d’Hypocrate » :
-Ceux probablement plus proches de l’opérationnel (du terrain et des malades) qui ont de ce serment une interprétation court terme : on doit agir vite : on a un malade devant nous, il faut le soigner maintenant et pas dans 3 mois où il sera peut-être mort ; dans cette catégorie on entend s’exprimer notammment, outre Raoult lui-même, des gens assez virulents comme le Pr Peronne, ou plus calmes comme le Pr Trouillas, le Dr Moussa Seydi, Dr Zelenko, …
- Ceux pas forcément moins motivés mais davantage en capacité de pendre du recul (chercheurs, responsables d’organismes nationaux genre ANSM, INSERM en France, …) et plus enclins à développer et/ou suivre des méthodologies et concepts minimisant les risques pour tous (à commencer par eux-mêmes) ce qui est logique dans la mesure où de grands nombres de patients sont concernés par leurs recomandations/décisions qui s’appliquent à tous.
Dans cette partie, la méthodologie EBM (Evidence Based Medecine) règne en maître. la « Rolls » de l'EBM ce sont les expérimentations « Randomisées en double aveugle avec placebo » (donc ni le médecin qui l’administre ni le patient tiré au sort qui le reçoit ne sait si c’est un placebo ou le vrai traitement qui est administré).
Cet EBM ( en français « médecine factuelle ») ,si séduisant pour les esprits cartésiens, a tout de même quelques limites au-delà de la difficulté à recruter les cohortes de malades : on pourra lire sur ce sujet le mémoire de Guillaume Savard
ethique.sorbonne-paris-cite.fr/sites/def...files/dea_savard.pdf et notamment sa conclusion partiellement critique comme dans dans l’extrait ci-dessous :
<em>Des nombreuses critiques peuvent encore être adressées à la médecine factuelle. Et ses limites sont importantes, ne serait-ce que parce qu’elle ne répond que du savoir biomédical et donc elle ne représente pas la médecine dans sa complexité. La médecine factuelle ne rend également pas compte de l’innovation, de la découverte, c’est une méthode sans génie. Sa hiérarchie des preuves est largement contestable, mais les voix critiques n’ont pas beaucoup d’audience tellement la médecine factuelle est réconfortante pour l’image que le médecin se fait de lui-même. La vraie médecine factuelle est probablement éloignée de l’idée que les praticiens s’en font. Qu’ils la craignent ou l’admirent. Le risque de voir apparaître un nouveau dogme n’est pas loin.
</em>
Et à ce sujet, je me demandais : Pasteur aurait-il pu développer son vaccin contre la rage si la méthode EBM avait été la règle à l’époque ? Aurait-il fallu injecter le venin à 100 personnes et ensuite en traiter 50 avec placebo et 50 avec le vaccin …?
En fait, son premier essai sur l’homme a été très contesté par ses ennemis de la Faculté (déjà …) qui prétendaient que le chien qui avait mordu le patient n’était pas vraiment enragé … que fit Pasteur ?: il administra (en cachette de tous) la dose mortelle à son patient surtout pour se prouver à lui-même que son traitement marchait; une démarche très audacieuse dans laquelle il prenait le risque de tuer son patient et cependant une démarche pas tout-à-fait EBM puisqu’il n’y avait pas de « bras » témoin et qu’après tout, in fine, rien ne garantissait que le patient n'aurait pu guérir tout seul …
Pour en revenir au traitement Raoult, on est un peu dans une impasse :
D’une part les évaluations EBM actuelles sont toutes biaisées dans le sens où aucune (ni Discovery, ni HYCOVID, ni COVIDAXIS, ni-même COVIDOC ) ne se place dans les conditions d’efficacité du médicament telles que spécifiées par son promoteur (en toute rigueur il faudrait aussi vérifier par exemple sur « clinical trials » que c’est vrai pour l’ensemble des essais en cours dans le monde) . D'autre part les expérimentations du Pr Raoult lui-même (plus de 3000 traités à ce jour) ne sont pas jugées « convaincantes » car elles ne respectent pas les protocoles EBM.
Alors, puisque la « Faculté » est aussi partagée sur le sujet, pourquoi ne pas tenter une approche totalement différente ? je vous propose celle de JP Quadrat, pas médecin mais matheux automaticien et statististicien :
- D'une part il regarde les expérimentations de Raoult comme un statisticien en observant que, comme le malade guérit tout seul dans 85-90% des cas, il faut impérativement s’appuyer sur des cohortes très importantes pour obtenir des statistiques fiables. Ce qu’il fait pour conclure à une mortalité 4 fois moindre avec le traitement Raoult que sans ce traitement (dans des circonstances aussi comparables que possible).
- D’autre part, il regarde la pandémie comme une boite noire avec des entrées et des sorties ; le jeu consiste alors à imaginer un modèle mathématique représentant ce qui se passe dans la boîte noire : Il a donc imaginé un modèle, au passage sensiblement différent du modèle bien connu SIR (Susceptible -Infected-Recovered). Les paramètres du modèle sont calculés par une régression s’appuyant sur des entrées et sorties enregistrées ; et il offre en sortie des projections pour l’avenir. Si l’on en croit les projections de son modèle, le 11 mai on déconfine !
La publication de Jean-Pierre Quadrat est ici : (je ne me sens pas solidaire des parties assez polémiques de son abstract et de sa conclusion que j’ai essayé en vain de lui faire changer ...)
www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.25.20079434v1